Les animaux souffrent-ils du racisme?

Si, pour l’espèce humaine, le concept de race est heureusement abandonné, il est sur toutes les lèvres  dès qu’on parle des animaux. Il y a des races canines, félines, bovines et on attribue à chacune d’entre elles un caractère et un comportement particuliers.

On dira du caniche qu’il est «  plein de vitalité et d'énergie, animé par une grande intelligence » au contraire du lévrier afghan, classé au sommet des chiens les plus stupides.  Le « labradoodle », comme autrefois les Anglais à Nice,  « adore les longues promenades au bord de l’eau » (!) tandis que le doberman est « méfiant vis-à-vis des étrangers ».  Si le braque allemand est doux et  très affectueux, le Malinois a « un sens de la propriété très prononcé »: ces descriptions raciales, reprises en cœur par les « spécialistes », servent de critères pour l’adoption d’un animal domestique. Selon Le Figaro, qui conseille astucieusement d’éviter l’adoption d’un chien de chasse si on possède un lapin, la notion de race chez le chien est apparue en 1987 et permet de différencier les différentes espèces animales. Pour le physique, c’est une évidence, mais qu’en est-il du reste ?

Il faut d’abord rappeler que l’humain est le principal responsable des caractéristiques raciales ainsi  présentées. Le caractère « suiveur par nature » du mouton est le résultat d’un dressage qui a commencé il y a plus de 10.500 ans et n’a donc rien à voir avec la nature. Le « Doberman méfiant » a au contraire tout à voir avec les impôts, puisqu’il été créé par un percepteur qui voulait se protéger des attaques... Ces animaux sont donc le produit d’une sélection artificielle réalisée par l’homme dans un but utilitaire ou beaucoup plus frivole : le malheureux  Pomsky, « malgré sa petite taille, a les besoins d’un grand chien », car il est  issu du croisement absurde d’un Husky (28kg) et d’un Spitz nain  (3,5 kilos).

Les descriptions raciales sont questionnables car elles éliminent toute individualité animale, comme si les animaux, en machines fabriquées par des robots, ne jouissaient d’aucune personnalité propre. Ils ne possèdent donc ni psyché ni histoire et agissent à peu près comme des automates téléguidés par leur race. On se croirait en plein XVIIème siècle. 400 ans plus tard,  ce mélange archaïque de mépris et d’ignorance ne nous ayant pas quitté, autant appeler son chat GPT …

Ces « caractéristiques »  nous entraînent également dans un dangereux biais de confirmation. Nous ne finissons par voir dans notre chien, que ses traits « raciaux » , et à censurer tous les autres. Le Saint-Bernard,  « toutou très sociable qui s’entend très bien avec les enfants » a été responsable d'un grand nombre d'attaques et a tué plusieurs enfants. « Doux, fidèle, intelligent et joueur,  compagnon idéal pour tous »,  un labrador a arraché le visage d’une jeune Française en 2005 alors qu’elle dormait.  

Ce biais nous mène ensuite à l’auto prophétie : si je crois, comme je l’ai fait, qu’un braque allemand a besoin d’énormément d’exercices, je vais pousser ma petite Tasha à beaucoup se dépenser, ce qui augmentera ses besoins et je dirai : « Tasha a besoin d’exercices, c’est un braque allemand ». Je me suis aperçu qu’elle a surtout besoin d’affection et de calme.     

Et enfin, ce racisme ne repose sur rien. Selon la vétérinaire  Karen Overall, spécialiste du comportement animal, « le comportement d'un chien n'est pas déterminé par sa race. » Elle  précise que « la race offre peu de valeur prédictive pour les individus, expliquant seulement 9 % de la variation du comportement » tandis que la génétique individuelle est responsable de 30 % du comportement.  L'environnement, dont le propriétaire et ses croyances, fait le reste.

Apprenons à regarder les non humains comme des individus, et nous-mêmes comme une espèce aisément manipulable.

                                                                                              


Hubert Mansion est le cofondateur de l’Université dans la Nature.

Philosophe et écrivain,  il est notamment l’auteur de Réconcilier, vers une identité environnementale (Nullius in Verba, 2023) et présente la série La nature et les mots (Youtube).

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