Comment améliorer un « pocket park »  grâce à Albert Camus?

Je ne vois jamais personne dans ce petit parc urbain de la ville de Magog (Qc, Canada). C’est dire qu’il ne passe pas le test ultime de tout aménagement destiné au public : sa fréquentation.

Je ne doute pas de la bonne volonté de la municipalité de Magog qui a cru bien faire en créant un  espace vert supplémentaire. Nul doute d’ailleurs que ce genre d’initiatives se multipliera dans les années à venir en raison de la « crise » climatique.  

Il s’agit de ce qu’on appelle un « pocket park ». Moins cher, plus accessible et plus fréquent que les grands parcs, il offre un îlot de repos et de fraîcheur à quelques pas de chez soi, favorise l’attachement au quartier, la rencontre entre voisins et le verdissement des discours politiques locaux.

Mais pourquoi a-t-il été conçu de cette manière ? Pourquoi tant d’erreurs ?

Il lui aurait suffi, pour être attrayant, que ses concepteurs aient lu Albert Camus et, mieux encore, possèdent quelques notions de psychologie environnementale.  

« Il faut des espaces où nous puissions nous reposer de l’histoire » avait en effet écrit avec beaucoup de justesse le philosophe français. Des lieux qui nous permettent de ne plus penser aux événements qui nous assaillent quotidiennement, en particulier dans les villes.  

La psychologie environnementale a longuement exploré les conditions de tels refuges et n’attend que les urbanistes…

Changer les bancs publics

La plupart des bancs publics que l’on trouve dans les parcs, y compris celui-ci, sont trop raides pour les amoureux, trop durs pour se détendre et conçus peut-être pour regarder devant soi, mais non la personne à qui l’on parle. Leur modèle n’a pas vraiment changé depuis 1852, mais il existe aujourd’hui des modules beaucoup plus appropriés aux besoins des visiteurs. Et quitte à les changer, profitons-en pour les bouger car la contemplation de Honda Civic et de poubelles n’est pas la manière la plus efficace de fuir le quotidien, n’est-ce pas Albert ?

Se sentir protégé

Pour accentuer l’impression de refuge et de retrait du quotidien, une haie sur le périmètre du parc favoriserait l’impression d’un espace clos, essentiel à la sensation de repos. L’espace deviendrait alors un havre urbain. En végétalisant les façades qui encadrent ce pocket park, on attirerait immédiatement les oiseaux, donc les sons naturels.

Penser les arbres

Les arbres devraient être choisis en fonction de différents critères pratiques et esthétiques, ce qui ne semble pas avoir été le cas. D’abord en favorisant les essences à large canopée, qui permettrait d’ombrager les personnes assises sur les bancs et leurs animaux. Leur capacité à capter les particules fines, ensuite, que multiplierait la végétalisation des façades. Et leur parfum, enfin, car l’aspect odorat, très important pour la restauration psychologique, est un aspect souvent négligé.  

Il est certain qu’une petite fontaine agrémenterait cet espace, mais je veux m’en tenir à des aménagements abordables. Il ne reste qu’à baptiser ce micro-parc qui, à ma connaissance, n’a pas de nom. Je suggère à la Ville de Magog de le nommer Albert-Camus et de graver sur la plaque sa très belle pensée. Car parfois penser à se retirer de l’histoire suffit à l’oublier.


Hubert Mansion est le cofondateur de l’Université dans la Nature.

Philosophe et écrivain,  il est notamment l’auteur de Réconcilier, vers une identité environnementale (Nullius in Verba, 2023) et présente la série La nature et les mots (Youtube).

Suivez-nous sur  Linkedin et Facebook.

Previous
Previous

Le langage nous déconnecte du vivant

Next
Next

Les animaux souffrent-ils du racisme?