Le soutien-gorge qui cache la forêt

« Le niveau des mers monte, les calottes glaciaires fondent. Je ne suis pas une scientifique, mais je pense que chacun peut utiliser ses compétences pour prendre part au problème » a déclaré Kim Kardashian.

En conséquence, elle a décidé de lancer ce nouveau produit :

SKIMS/Instagram

Grâce à ce soutien-gorge doté de mamelons intégrés « peu importe la température, vous aurez toujours l'air d'avoir froid » a précisé la Californienne. Le réchauffement climatique sera ainsi inapparent pour les examinateurs de poitrines, et celles qui portent ce sous-vêtement pourront enfin faire semblant d’avoir froid. Il serait sans doute plus simple de diminuer le chauffage ou, si on veut prétendre avoir froid, de porter un bonnet avec un pompon. Mais ce serait passer à côté d’une grande œuvre humanitaire car Kim Kardashian a décidé qu’elle reverserait 10% de ses ventes à 1% for the Planet.

Mettre un soutien-gorge sur le dos du réchauffement climatique a sans doute quelque chose de légèrement acrobatique. Mais la star n’est ni la première ni la pire et nous devrions nous interroger sur la place immense que prend cette problématique dans le débat public.

Une montée inquiétante

Le graphique ci-dessous, élaboré d’après la récurrence des termes « climate change » dans une vaste collection de livres, de documents et d'autres sources textuelles, montre que la préoccupation pour la pollution a baissé quasiment dans la mesure de l’émergence de la question climatique.

Pourtant chaque année, plus de 13 millions de décès sont dus à des polluants environnementaux, et on estime que 24 % des maladies qu’ils causent pourraient être évitées. En quelques années, la pollution a tué plus de personnes que la Deuxième Guerre Mondiale.

Et le réchauffement ?

Il provoquerait environ 150 000 décès par an. La différence de victimes s’élève donc annuellement à 8567%.

Alors pourquoi un traitement plus important ? C’est un peu comme si, en pleine Deuxième Guerre, la totalité des médias s’étaient affolés des accidents de la route.

On dira bien sûr qu’il y a des victimes futures, dont le nombre augmentera. Sans doute. Mais prévenir celles-ci interdit-il de régler le cataclysme qui se déroule sous nos yeux ?  

À qui profite le crime ?

Dès lors une question s’impose : à qui profite ce déferlement ? À l’évidence, aux industries. Celles-ci ne souffrent pas de la pollution. Mais elles  souffriraient beaucoup qu’on la leur interdise.  De très nombreux acteurs ont donc intérêt  à faire dériver le discours global et politique vers la « crise » climatique. D’abord parce que cette crise les affecte.  Ensuite, parce qu’on peut, comme Kim Kardashian, lui mettre beaucoup sur le dos. Enfin parce qu’elle permet d’éviter le débat sociétal sur la pollution généralisée dont beaucoup sont responsables. Ce ne serait pas la première fois, ni hors de portée des spin doctors[i] : Coca-Cola, champion du monde de la pollution plastique, n’a-t-il pas été l’un des principaux sponsors de la Cop27 des Nations unies sur le climat ?

Prenons garde de ne pas reprendre en chœur les discours que les communicants veulent nous mettre dans la bouche et sortons du cadre qu’ils nous imposent :  il nous faut réclamer l’air pur, l’eau pure, la terre propre. Nous n’érigerons pas un monde meilleur sur une Terre nauséabonde.

[i]  Voir les exemples que j’ai cités dans Réconcilier, Nullius in Verba, 2023.


Hubert Mansion est le cofondateur de l’Université dans la Nature.

Philosophe et écrivain,  il est notamment l’auteur de Réconcilier, vers une identité environnementale (Nullius in Verba, 2023) et présente la série La nature et les mots (Youtube).

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